Réveillon chez Cruella
Il y a 14 ans…
Je suis alors en fac avec Cruella. Grande, blonde, forte tête, et forte voix. Une Walkyrie en somme (une Vache qui rit aussi). Sans être amie avec cette grande gigue, mon indulgence me fait supporter de temps en temps sa compagnie et ma gentillesse crétinerie me fait accepter son invitation à réveillonner. Il faut dire que le choix du refus poli ne nous est pas vraiment laissé, et que c’est davantage un ordre qu’une invitation.
Quelques jours avant la fête, mes deux compères d’alors et moi même sommes convoqués pour l’organisation de la noubahouba. Si toutefois nous avions envisagé plusieurs idées pour la soirée, nous n’avons pas l’occasion de les exposer.
Cruella a tranché : ce sera réveillon costumé, thème les séries télé, autour d’un buffet car pas question d’un truc genre cacahouètes / Chipster , elle veut un vrai buffet de Staaar.
- Chef ! Oui Chef !
Cruella dresse la liste de ce qu’elle veut, et répartit la tâche à grand coup de " toi qui es si musclé, tu vas dégager les meubles pour faire la place " et autre " toi qui sais si bien cuisiner, tu pourrais faire ces fameux gâteaux au chocolat si délicieux "
Le grand jour est arrivé, je suis de corvée de supermarché avec 3 autres copains de bagne. Lorsqu’on arrive sur le lieux de la fête, deux autres convives et l’âme damnée de Cruella s’affairent à préparer la salle.
Son Altesse descend superviser l’avancée des travaux, claque de nouveaux ordres et s’en retourne à son épilation de sourcils.
Je m’affaire en cuisine, avec l’aide d’une autre pauvre invitée elle aussi réquisitionnée pour ses talents de cuisinière. On rigole pas mal malgré tout sur notre sort de Penny et Cendrillon réunies aux fourneaux.
20 heures je suis toujours en train de tartiner, touiller les sauces, faire cuire ceci et découper en tranches cela. C’est trop la fête youkaïdi ! Cruella n’est pas réapparue. En un sens tant mieux, on ouvre une bouteille de champagne pour se récompenser de notre dure labeur.
21 heures, les invités commencent à arriver. Je me précipite pour me changer ; pas le temps de se pomponner, de toute façon la salle de bain est toujours occupée par Cruella qui met la dernière touche à sa tenue.
Enfin elle arrive. La soirée peut commencer. D’abord il faut admirer la perfection de sa choucroute sixties, l’admirer elle tout entière puis l’admirer danser un rock pseudo acrobatique. Ensuite elle volète (aussi gracieuse qu’un gros bourdon) d’invité en invité et entre deux ou trois rires de hyènes, elle continue de donner des ordres ou bien lance quelques vacheries. Tous les invités semblent tétanisés par la crainte de dire ou faire quelque chose qui viendrait déclencher la colère de Cruella. L’ambiance est très étrange…
Après quelques temps à s’ennuyer ferme, une fronde s’organise ; nous sommes quelques uns à nous éclipser discrètement dans la salle de jeux où se trouve un baby-foot ; le tournoi commence. A chaque but encaissé, un gage : il faut entonner une chanson du répertoire " variétés française d’avant 1985 ". Après un " Lundi au soleil ", une " Chez Laurette ", un " Rien qu’une larme dans tes ziiiieux " et quelques autres, on profite enfin de la soirée.
Hélas, sans doute rions nous trop fort ou bien la Furie a-t-elle constaté notre absence dans la grande salle… Toujours est-il qu’elle débarque et qu’on se prend un savon :
" - Avec tout le mal que je me suis donnée pour organiser tout ça ! Tout le boulot que j’ai fait et vous faites vos snobs, ah ben merci hein ! "
Faussement penauds, nous la suivons dans l’autre pièce où nous sommes sommés de nous amuser ! (Bon d’là !)
Fort heureusement pour nous, les 12 coups de minuit sonnent enfin, et après avoir attendu une petite demie heure nous nous extirpons de cet enfer sous divers prétextes fallacieux pour finir la soirée ailleurs.